Le running en équation ?
Version V3. Septembre 2022
contact@velomath.fr
Plusieurs internautes nous ont signalé qu’ils utilisaient les calculateurs du site pour la course à pied et tous les anglicismes associés:
running, footing, jogging, trail, ultra-trail et qu’ils en étaient satisfaits.
Bien que nous ne soyons pas spécialistes de ces disciplines sportives, nous avons cherché à savoir si une justification théorique à cette utilisation pouvait être établie.
L'approche du problème que nous présentons dans ce document est assez simple et peut-être trop simple. Aussi le présent document n'est qu'une ébauche et devrait faire l'objet de versions successives.
Relation puissance-vitesse.
Le point de départ de toutes les applications relatives au cyclisme est
la relation entre la puissance d’un cycliste et sa vitesse de déplacement. Il faut donc
disposer de cette relation pour le running. Nos recherches sur Internet pour la trouver sont restées
infructueuses. Nous avons été surpris de voir que l’introduction de la notion de puissance
dans l’étude de la course à pied était assez récente, elle ne date que de quelques années. Il
nous semble quand même difficile que le problème n’ait pas été déjà traité. Aussi toute information
de la part de visiteurs du site concernant le sujet sera la bienvenue. Le document se rapprochant
le plus de l’approche que nous voulons faire est cité ci-après. .
Quoi qu’il en soit, nous allons tenter d’établir cette relation puissance-vitesse.
La figure 1 représente le mouvement d’un coureur. Ces photographies successives sont désignées sous le nom de « kinogramme ».
Ce kinogramme a été tiré du document : « Lacouture P, Colloud F, Decatoire A, Monnet T.
Etude biomécanique de la course à pied. EMC-Podologie 2013 ;9(2) :1-20[Article 27-140-A-52]. »
Fig.1. Kinogramme d'un coureur à pied ("P.Lacouture & all")
Ce mouvement est complexe : le corps humain peut être assimilé d’un point de vue mécanique
à un système de bielles ou segments articulés : le tronc, la tête, les bras, la cuisse, la jambe,
le pied. Ces segments sont articulés à l’épaule, au cou, au coude, à la hanche, au genou,
à la cheville. Ils sont tous en mouvement lors de la course. .
On peut décomposer le mouvement d’un coureur en un cycle défini par des phases :
- Une phase d’appui au sol d’un pied
- Une phase de projection vers l’avant et vers le haut où le corps peut être considéré
comme un projectile sur sa rampe de lancement
- Une phase d’envol où aucun pied ne touche le sol
- Une phase d’amortissement où le second pied entre en contact avec le sol
- Puis de nouveau une phase d’appui au sol de ce second pied et le cycle recommence.
Il faut bien noter qu'au cours de ce mouvement le coureur est en perpétuel déséquilibre : lorsqu'il donne une impulsion sur un pied qui le projette en avant, c'est grâce au second pied qui, en touchant le sol, l'empêche de chuter.
Tout comme dans notre document « Le vélo en équation », examinons quelles sont
les forces globales mises en jeu :
- La force motrice exercée par le coureur est une impulsion lors du contact entre un pied et le sol
- Les forces résistantes, c’est-à-dire les forces que le coureur devra vaincre
pour avancer sont la force de gravité, la résistance de l’air et
des forces de frottement au contact pied-sol.
Adoptons les notations suivantes :
- a la longueur d’une foulée en mètre. Une foulée est la distance entre les appuis au sol
consécutifs de deux pieds différents
- W le poids du coureur en Newton
- n le nombre de foulées par seconde
- V la vitesse de déplacement en m/s
- p la pente du terrain en valeur décimale (1% de pente s’écrit 0.01)
- P la puissance du coureur en watt
Nous allons nous intéresser uniquement aux forces résistantes :
- la force de pesanteur. La pesanteur s’exerce sur tous les membres du corps
soumis à un mouvement vertical : ce sont presque essentiellement les jambes et les bras
qui sont soumis à un tel mouvement durant les phases de la course.
Contentons nous d’une approche très globale : le centre de gravité du coureur va monter
et descendre à chaque foulée. La figure 2 illustre schématiquement ce mouvement par une courbe d'allure sinusoïdale.
Si Δzg est l’amplitude de la montée, l’énergie Eg nécessaire est :
Eg=ΔzgW
La durée d’une foulée est t=a/V et donc la puissance moyenne durant une foulée est :
On notera que lorsque un membre redescend, par exemple une jambe, l’énergie potentielle acquise lors de la montée n’est malheureusement pas restituée en tant que force motrice sauf éventuellement l’existence d’un petit rebond lors du contact pied-sol dû à l’élasticité des chaussures. C’est là une différence importante avec le cyclisme où pourtant existe un mouvement de montée et descente des jambes mais dans cette dernière discipline l’énergie est restituée à la descente car les jambes pèsent alors sur les pédales et participe à la force motrice du cycliste.
En montée, c'est-à-dire sur un terrain de pente p positive, il faut ajouter, comme en cyclisme, le poids du coureur.
A chaque foulée, l’altitude du coureur varie de Δh= p a
(Δh sera positif si le terrain monte ou négatif s’il descend).
L’énergie à fournir est donc égale à : W Δh=W p a
et la puissance s’en déduit :
En descente, c'est-à-dire sur un terrain de pente p négative, le problème nous semble beaucoup plus compliqué. On ne peut pas assimiler un coureur à pied à un cycliste qui descend en roue libre. Un cycliste n'a pas de limitation de vitesse. Un coureur à pied est limité, il lui faut le temps d'effectuer le mouvement alternatif des jambes. S'il n'a pas le temps de prendre appui sur le sol avec le pied le plus en avant, il chutera. Il faut donc que le coureur limite sa vitesse donc qu'il freine si la pente est trop forte. Il freinera en modifiant réaction du pied lors de la phase d'amortissement et de la phase d'impulsion et modifiera sa position afin de reculer le centre de gravité du corps. Tout cela exige une dépense d'énergie en descente alors que le cycliste reste confortablement assis sur sa selle. Autrement dit, le coureur devra développer une certaine puissance P2 pour lutter contre la force de pesanteur alors que le cycliste en profite pleinement.
A partir de quelle valeur de la pente, le cycliste doit-il fournir cette puissance P2 et quelle est la formulation de la valeur de P2 ? A ce jour, il nous est difficile de fournir une réponse.
On peut supposer que tant que la pente est faible, la pesanteur est bénéfique. La figure 3 illustre le mouvement du centre de gravité du coureur en descente. Lorsque la valeur de la pente p atteint la valeur définie par p=tg(2 ?zg/a), le corps du coureur ne monte plus et donc la puissance P2 devrait être nulle. Ensuite tout ce que l'on peut dire est que P2 doit augmenter à partir d'une certaine valeur de la pente.
- la résistance de l’air. Comme pour le cyclisme, la force à exercer pour vaincre
la résistance de l’air est proportionnelle au carré de la vitesse. On écrira F= Px V²
Le coefficient que nous désignons ici sous le nom de Px est la quantité :
½ ρ S Cx
- S est la surface frontale du cycliste ou du coureur
- ρ est la masse volumique de l’air du lieu où l’on se trouve
- Cx est le coefficient de traînée propre à chaque objet en mouvement
Notons que dans tous les documents présentés sur ce site, nous avons désigné par Cx
non pas le véritable coefficient de traînée Cx que nous avons ignoré mais la valeur globale
½ ρ S Cx, donc ce que nous appelons ici Px .
Si cette force F de résistance de l’air est faible lors d’une marche, elle devient
non négligeable pour les vitesses réalisées lors de course. La vitesse d’un champion olympique
du 100 m est supérieure à 10 m/s soit 36 km/h, une allure de cycliste.
En présence d’un vent naturel de vitesse Vr, la résistance de l’air devient égale à:
F= Px(V-Vr)²
Vr sera positif si le vent vient de l'arrière et négatif s'il vient de face.
Chacun pourra se rendre compte de l’importance de cette résistance par vent fort :
si l’on veut seulement marcher face à un mistral ou une tramontane de 80 km/h, on
peut avoir même des difficultés pour avancer.
L’énergie à dépenser pour effectuer une foulée sera égale au produit Fa.
La puissance correspondante P3 sera :
- des forces de frottement diverses : forces au contact pied-sol lors de l’amortissement.
Elles dépendent des chaussures et de la nature du terrain : nous savons tous qu’il est difficile
de marcher dans du sable que sur un carrelage. Comme pour le cyclisme, l’énergie consommée
pour vaincre ces forces est supposée être proportionnelle au poids du coureur et à la distance
parcourue c’est-à-dire à la longueur de la foulée, soit λaW , λ étant le coefficient de
proportionnalité analogue au coefficient de résistance à l’avancement du cycliste.
La puissance correspondante est :
Finalement la puissance à fournir sera la somme des puissances P1, P2, P3 et P4 soit
On notera que nous ne prenons pas en compte les forces de frottement interne,
par exemple aux articulations des membres qui constitue de l’énergie métabolique.
Si l’on était capable de mesurer avec précision la puissance que le coureur fournit,
par exemple avec la mesure de la consommation d’oxygène, cette puissance serait supérieure
à la puissance que nous essayons de calculer.
On posera alors:
et finalement la relation puissance-vitesse s’écrit :
On retrouve le même type d’équation que pour le cyclisme :
la puissance est fonction de V et de V3
mais avec une condition :
il faut que f soit constant.
Or ici f est fonction du paramètre Δzg et de la longueur a de la foulée, deux paramètres
qui varient avec la vitesse V.
En conséquence, la formulation du cyclisme ne devrait pas convenir pour le running
sauf si le rapport Δzg/a reste constant lorsqu’un coureur fait varier sa vitesse.
Cette condition est-elle réalisée ?
Il est certain que plus la vitesse V augmente, plus la longueur a de la foulée augmente.
De même, il est logique, sinon évident, de penser que plus la longueur de la foulée est grande,
plus le centre de gravité s’élève et donc Δzg augmente aussi.
Il est donc possible que le rapport
Δzg/a, s’il ne reste pas rigoureusement constant, ne varie que très peu.
Dans ces conditions, l’application de la relation [1] au running pourrait
donner des résultats satisfaisants, pouvant prédire ses performances lors d’un trail ou d’une course.
En revanche, dans le cas d'une forte descente, il nous est difficile d'estimer P2 et donc de donner une formulation de la puissance satisfaisante.
Estimation des coefficients f et Px.
Peut-on trouver les valeurs de f et Px à partir d’analyses théoriques ?
Reprenons ces deux paramètres.
Les coefficients f et Px sont propres à chaque coureur. Ils dépendent de la foulée
de chacun mais aussi de l’état de la route, de la chaussure.
- Le coefficient Px. Rappelons que nous désignons sous le nom de Px la quantité :
½ ρ S Cx
Il paraît certain que la surface frontale S d’un coureur à pied qui est debout face au vent
est supérieure à celle d’un cycliste qui est assis et penché.
Il en est de même pour le coefficient de traînée Cx, un cycliste
ayant une position plus aérodynamique
qu’un coureur à pied. Le coefficient Px doit donc être plus élevé pour un coureur.
Prenons le égal à 0.4
- Le coefficient f. Reprenons les différents termes qui définissent ce coefficient.
Nous estimerons à λ=1% le coefficient relatif aux forces de frottement interne, bien que n’ayons guère d’arguments pour adopter cette valeur, si ce n’est que nous lui donnons la valeur du coefficient de résistance au roulement d’un cycliste.
En ce qui concerne Δzg , utilisons le kinogramme stylisé de la figure 6 fournie dans le document
précité "P.Lacouture & all" et reproduit ci-dessous.
Sur ce kinogramme, l’auteur a représenté la position du centre de gravité du coureur
tout au long d’une foulée. On peut donc retenir l’amplitude entre la position basse et
la position haute de ce centre de gravité.
On peut donc faire le rapport entre cette amplitude et la longueur a de la foulée. On trouve :
Δzg /a = 0.034 soit 3.4 %
Avec les données adoptées, le coefficient f serait donc de l’ordre de 4.4% mais cela reste bien sûr
très approximatif.
Application numérique.
Il ne nous reste plus qu’à faire des calculs avec les calculateurs présentés pour le cyclisme
avec les valeurs de f et de Px que nous avons estimées.
Le tableau 1 donne la vitesse relative à un coureur de 75 kg pour différentes valeurs
de la puissance fournie et sur le plat.
Le tableau 2 reprend les résultats d’épreuves classiques et donne la puissance correspondante calculée.
Le problème est de savoir maintenant si les valeurs de la puissance ainsi calculée sont réalistes ou non. La réponse est claire : nous n’avons aucun élément pour juger de façon indubitable de leur exactitude.
On peut seulement faire les commentaires suivants :
- l’ordre de grandeur des puissances ne semblent pas totalement aberrants mais peut-être
on s’attendrait à des valeurs plus élevées si on les compare aux valeurs obtenues en cyclisme.
- peut-on comparer les résultats avec des résultats provenant d’autres sources.
Le document précité de P. Lacouture & all fournit le tableau 4 ci-après donnant
la valeur de la puissance établie par différents chercheurs : on est frappé par l’énorme dispersion
de ces résultats.
- peut-on mesurer la puissance par capteur comme on peut le faire pour le cyclisme ?
Il existe des capteurs se targuant de mesurer la puissance, notamment le capteur Stryd, un petit
boîtier se fixant simplement sur le dessus d’une chaussure. Quel est le principe physique
de ce capteur ? Lorsque l’on fait une recherche sur Internet pour le savoir, on obtient
des notices d’utilisation mais aucune information sur ce que contient réellement le boîtier.
On peut penser à des accéléromètres permettant de définir par calculs théoriques la
trajectoire du coureur et l’énergie cinétique lors des phases d’impulsion, voire plus
simplement de mesurer la vitesse et en déduire la puissance par une relation analogue
à celle que nous avons établie. Quoi qu’il en soit, il ne faut pas chercher à calculer
la puissance pour retrouver les valeurs fournies par Stryd. Un principe physique plus
fiable serait de mesurer les réactions au sol avec des capteurs placées à l’intérieur de
la semelle de la chaussure, mais ce type d’appareillage semble ne pas exister.
Bref, sauf manque d’information de notre part, nous estimons qu’il n’y a pas de moyens expérimentaux
dont un coureur pourrait s’équiper pour mesurer la puissance et donc pouvant valider nos calculs.
- seule une méthode par tâtonnement pour essayer de trouver des valeurs de Px et f
satisfaisantes paraît pouvoir être mise en œuvre. Si la valeur de Px doit se trouver dans une
fourchette relativement étroite (0.3 à 0.4 à notre avis) mais il n’en est pas de même pour f
où nous sommes dans une grande incertitude. En faisant plusieurs courses réelles sur des terrains
de même nature, si l’on estime que l’on fournit toujours la même puissance, on peut ensuite utiliser
le calculateur : « simulation d’un parcours donné par sa trace gpx » , pour faire varier puissance
et f afin d’obtenir les vitesses moyennes réelles.
- Enfin, il faut bien retenir que la puissance calculée est la puissance moyenne
durant une foulée. Comme pour le cyclisme où la puissance instantanée varie lors d’un tour de pédale,
la puissance instantanée doit varier dans de fortes proportions durant une foulée car l’essentiel
de l’effort se fait au moment de l’impulsion.
Adaptation des calculateurs cyclisme au running
L'analyse qui a été faite montre que la différence importante entre cyclisme et running réside dans les descentes : le cycliste peut atteindre de grandes vitesses tandis que le coureur est limité en vitesse. Autrement dit, le coureur doit freiner dans les descentes et le fait de freiner induit une dépense non négligeable d'énergie et donc nécessite une certaine puissance.
Les calculateurs de puissance proposés sur ce site pour le cyclisme ne sont donc pas très bien adaptés au running.
Nous proposons de les adapter au running en adoptant une hypothèse pour les descentes, bien que nous ne puissions la justifier pleinement. Cette hypothèse consiste à dire que dans une descente, l'action de la pesanteur permet, d'abord, de compenser les effets du frottement mais dès que cette compensation est faite le coureur doit freiner en effectuant un effort pour annuler l'action de la pesanteur. Cela s'exprime en écrivant que dans la relation [1], le terme (f+p) doit rester positif. On notera que la puissance sera minimum lorsque le terme (f+p) est nul, donc que la pente descendante est égale au coefficient f. Cette remarque permet d'estimer la valeur du coefficient f, en cherchant sur le terrain quelle est la pente où l'on est le plus à l'aise.
Rien n'est donc plus simple de modifier les calculateurs du cyclisme en prenant la valeur absolue de (f+p) pour calculer la puissance que doit fournir le coureur.
Les calculateurs ainsi adaptés peuvent être utilisés. On trouvera donc ci-dessous les liens pour deux calculateurs, l'un pour une route à pente constante et l'autre pour un parcours réel dont on connaît la trace GPX
Conclusions.
Il faut être bien conscient que le modèle mécanique que nous venons de présenter est très
approximatif et nous n’avons pas de moyens pour le valider rigoureusement. C’est surtout par comparaison entre
les résultats de calcul et des courses réelles que l’on pourra se satisfaire des deux calculateurs de ce site adaptés au running.
Références utiles.
[1]« Lacouture P, Colloud F, Decatoire A, Monnet T.
Etude biomécanique de la course à pied. EMC-Podologie 2013;9(2) :1-20[Article 27-140-A-52]. »
[2] https://www.stryd.com